Le concept de Bouillie Concentrée Liquéfiée, ou B120 ou BAL-120 

bamisa

07f-Bouillie_Concentrée_Liquéfiée-B120-BAL120

19/09/2018

Bouillie Concentrée Liquéfiée  ‘‘BCL’’,
Bouillie à 120 Kcal pour 100 ml  ‘‘B120’’,
Bouillie Amylasée Locale à 120 Kcal pour 100 ml  ‘‘BAL-120’’.

Ce concept reprend les travaux du Pr Dillon qui a énoncé à BRAZZAVILLE (1) en 1991 les caractéristiques de ‘’La bouillie de complément idéale’’.

La ‘’bouillie de complément idéale’’ :

Est complémentaire du lait maternel,
Apporte, avec le lait maternel, tous les nutriments nécessaires à la croissance et au développement de l'enfant entre 2-6 mois et 2 ans
Respecte les habitudes de la mère,
Est à base de denrées locales,
Est facile (rapide) à ingérer
Est facile à digérer
Sa cuisson est aisée et pas trop prolongée,
Son prix est abordable.

‘’Il est également possible de ‘’liquéfier’’ une bouillie en ajoutant de petites quantités de farine riche en amylase […]. : On constate qu’une
bouillie à 30% de matière sèche se liquéfie instantanément et que la densité calorique atteint 1 Kcal par gramme de bouillie.’’

Caractéristiques attendues d’un aliment de complément à l’allaitement(1)

Ce concept promeut particulièrement la « liquéfaction des bouillies épaisses » par des amylases locales.

  • Le jeune enfant commence, habituellement, à diversifier son alimentation par des bouillies. Il ne mange pas de farines et il faut donc, comme le fait le Pr Dillon, s’intéresser à la qualité spécifique des bouillies pour le jeune enfant.
  • La qualité des farines dites ‘’améliorées’’, ‘’enrichies’’, ‘’composées’’, ‘’fortifiées’’, amylasées, maltées,…, ne détermine pas la qualité des bouillies préparées avec ces farines.
  • En effet, la quantité d’eau par rapport à la quantité de farine utilisée pour préparer une bouillie est le principal déterminant de sa qualité énergétique.

Ce concept développe aussi une dimension socio-économique. Il propose des solutions simples, locales, partout reproductibles et durables aux problèmes de malnutrition infantile. Ce concept promeut en effet :

« Le droit des peuples à se nourrir eux-mêmes »   « Le droit des familles à nourrir elles-mêmes leurs enfants »

(1) « Qualités nutritionnelles attendues d'un aliment de sevrage ». Professeur Jean-Claude DILLON, INA.PG : Séminaire-Atelier sur les bouillies de sevrage en Afrique Centrale ORSTOM (IRD)- Brazzaville, 21-24 mai 1991.

La terminologie ‘‘Bouillie Concentrée Liquéfiée’’ fait référence au ‘‘Lait Concentré‘ ou au ‘‘Concentré de tomate’’, c’est-à-dire des aliments dans lesquels la quantité d’eau est réduite.

La terminologie ‘‘B120’’ ou ‘‘BAL-120’’ fait référence aux laits infantiles thérapeutiques ‘‘F75’’ et ‘‘F100’’, laits (‘‘Formula’’) dont la densité énergétique atteint 75 Kcal ou 100 Kcal pour 100 ml. Pour rappel, la densité énergétique du Lait Maternel atteint 70 à 72 Kcal /100 ml). La densité énergétique des B120 ou BAL-120 est de 120 Kcal / 100 ml.

La bouillie BAMiSA(2), et avant elle la bouillie MISOLA(3), est un exemple de Bouillie Concentrée Liquéfiée, de B120 ou de BAL-120.

Ce concept se caractérise de la façon suivante.

Les "Bouillies Concentrées Liquéfiées, B120, BAL-120" sont des aliments destinés à lutter contre la malnutrition infantile (A) par des moyens locaux (B). Leur liquéfaction (C) par des amylases locales permet d’atteindre une densité protéino-énergétique élevée (D). Elles doivent permettre la poursuite de l’allaitement maternel (E).
Elles associent céréales et légumineuses (F) fournies par l’agriculture locale (G).
Elles se préparent à partir de farines dite composées (H), de fabrication artisanale (I) ou se préparent à domicile à partir des ressources familiales (J)
Elles ont un très bon rapport qualité/prix (K).
Leur recette est facile à mémoriser (L) et à partager.
Les BCL s’inscrivent dans une perspectived’autonomie (M) et de responsabilisation des familles à travers l’Education Nutritionnelle (N). Plus globalement, les BCL proposent une politique d’alimentation durable (O) des jeunes enfants.

A      Lutter contre la malnutrition infantile

Les mauvaises pratiques d’alimentation de l’enfant sont une des principales cause de malnutrition. L’usage de bouillies de faible valeur protéino-énergétique à base d’amidon est un exemple d’erreur très commune. Dans les pays du Nord, la ‘’bouillie’’ résulte de la cuisson de farine-dans-du-lait. Dans les pays du Sud, elle résulte de la cuisson de farine-dans-de-l’eau. Les bouillies à l’eau ont donc, d’emblée, un gros déficit énergétique et protéique.

La généralisation de l’utilisation de Bouillies Concentrées Liquéfiées pourrait contribuer à prévenir la malnutrition et permettre la prise en charge des malnutritions modérées.

B        Moyens locaux

Les ressources agricoles locales et les compétences des femmes pour la transformation alimentaire permettent la préparation d’aliments de haute valeur nutritionnelle adaptés aux besoins du jeune enfant et à ses capacités de déglutition et de digestion. La préparation de tels aliments, encadrée par un certain nombre de ‘’règles’’ est assez facile et ne demande pas de matériel ou d’équipement spécifique.

-

(2) La bouillie Bamisa, Fiche produit et Recette, Document Bamisagora 05b.
(3) De 1992 à 2009, le programme MISOLA vulgarisait l’usage du malt dans les bouillies épaisses. Puis le choix a été fait de mettre, dans la farine, des amylases industrielles importées.

-

C        Liquéfaction

Pour être ‘’nourrissante’’, les bouillies doivent être préparées avec beaucoup de farine mais pas beaucoup d’eau. Elles sont donc épaisses après leur cuisson.

Pour être adaptées aux capacités d’ingestion des jeunes enfants, les bouillies doivent être fluides. La consistance fluide ne doit pas être obtenue par une dilution avec de l’eau mais par une liquéfaction enzymatique. L’ajout à la bouillie chaude d’une amylase provoque la dégradation des amidons. L’effet épaississant disparait.

Les céréales germées (malt) fournissent de l’amylase locale. Moins d’un gramme de ‘’malt riche en amylase’’ liquéfie rapidement 200 ml de bouillie épaisse. Les traces de salive maternelle sur la cuillère ou un peu de lait de la maman dans la bouillie permettent aussi d’obtenir une liquéfaction.

Sous forme de bouillie liquéfiée, la consommation de la ration nécessaire aux besoins nutritionnels de l’enfant, est rapide, complète et propre. La bouillie liquéfiée peut être ‘’bue’’.

Du fait de la dégradation amylasique des amidons, la liquéfaction évite à l’enfant de devoir digérer de l’amidon. La fonction digestive amylasique est en effet immature chez le jeune enfant.

Si les jeunes enfants doivent bénéficier de bouillies liquéfiées, les grands enfants et les adultes pourront consommer de la bouillie épaisse en n’ajoutant pas de malt.

D      Densité protéino-énergétique élevée.

Il s’agit de donner, sous un faible volume, la ration calorique et protéique permettant de compléter ou de couvrir les besoins nutritionnels de l’enfant et d’avoir une efficacité nutritionnelle rapide.

Pour satisfaire ses besoins nutritionnels avec des bouillies diluées à l’eau (de faible densité protéino-energétique), il faudrait que l’enfant consomme de grande quantité de bouillies. L'effet "gros volume" (Dietary Bulk), est une ‘’indigestion à l’eau’’ qui limite les volumes ingérés. (L’excès d’eau empêche l’enfant de consommer suffisamment de bouillie pour satisfaire ses besoins caloriques et protéiques)

Les bouillies épaisses liquéfiées atteignent des densités protéino-énergétique élevées (120 Kcal/100ml), comme le préconise l’OMS : «La densité énergétique optimale des bouillies administrées en complément du lait maternel [doit atteindre] 1,2 Kcal par g de bouillie, celle-ci devant couvrir 60% des besoins énergétiques de l’enfant » (4)

E    Poursuite de l’allaitement maternel

Les bouillies sont conçues comme des compléments à l’allaitement maternel, en attendant que l’enfant puisse manger au plat familial. Donner des bouillies de haute densité protéino-énergétique à faible teneur amylacée respecte les capacités digestives du jeune enfant, ne provoque pas ‘’indigestion et somnolence’’, lui permet de reprendre rapidement le sein et de stimuler la lactation.

F    Céréales et légumineuses

Ce sont des bouillies dites composées faites d’un mélange céréales + légumineuses grasses (avec, si possible, du soja très riche en lysine) qui apportent l'essentiel des nutriments nécessaires à la croissance et au développement de l'enfant.

Lorsque le choix des ingrédients et leurs proportions sont bien étudiés, ces bouillies dites ‘’composées’’ assurent l’apport nécessaire en macro-nutriments, en particulier en matières grasses et en acides aminé essentiels.

(4) Energy and protein requirements : WHO technical report series no.522. Geneva 1973. Référence citée par Jean-Claude DILLON.

En zone tropicale humide, les céréales peuvent remplacées par les tubercules, bien que ceux-ci soient pauvres en protéines.

Un complément en micro-nutriments sera ajouté, si possible, après cuisson et liquéfaction, à partir des produits locaux connus pour leur richesse en vitamines et minéraux (jus de fruit, huile de palme rouge, poudre de feuille de moringa, spiruline,…). En cas de carences sévères, des apports pharmaceutiques de vitamines et de minéraux sont nécessaires.

G     Agriculture locale

Les matières premières entrant dans la composition des bouillies et du malt proviennent des cultures locales. L’approvisionnement en soja peut être difficile. Mais son grand intérêt nutritionnel justifie que soit développée sa culture localement.

L’utilisation d’ingrédients locaux et leur transformation artisanale respectent les goûts et les textures familières et ne risquent pas de détourner l’enfant de l’alimentation traditionnelle comme peuvent le faire des goûts et des textures industrielles.

H   Farines dites ‘’composées’’ et bouillies ‘’composées’’

Ce terme qualifie les farines ou les bouillies qui résultent de l’association de divers végétaux. Le but de cette association est d’obtenir un aliment dont l’équilibre entre les macronutriments (entre les glucides, les lipides et les protides riches en lysine) répond aux besoins énergétiques et de croissance.

Les proportions ‘’621’’ : 6 parts de céréales, 2 parts de soja, 1 part d’arachide sont bien étudiées et bien équilibrées.
Ces proportions volumétriques ou pondérales sont applicables aux ingrédients entrants dans la préparation des farines, comme des bouillies.

I     La préparation artisanale des farines

Les BCL peuvent être préparées à partir d’une farine composée produite de façon artisanale selon des procédés codifiés (voir par exemple ‘’Production de la farine BAMiSA’’ Document 03c.

Les grandes étapes de production passent par la préparation des ingrédients (lavage, tri, grillage), leur mélange (selon les proportions ‘‘621’’) et leur broyage. Le grillage constitue une pré-cuisson qui permet une préparation facile et rapide de la bouille.

 Du ‘’malt pour la bouillie’’ est joint à la farine. (Voir ‘’Préparation du malt’’, Document 04c).

J     La préparation familiale

Les bouillies concentrées liquéfiées peuvent être préparées avec une farine composée produite par la maman à partir des ingrédients dont elle dispose. La BCL peut aussi être préparées à partir d’une farine composée produite de façon communautaire ((Voir ‘’Fabrication communautaire et préparation à domicile’’ Document 03d.)

K   Bon rapport qualité/prix

Des aliments tels que les farines composées et les bouillies concentrées liquéfiées doivent être appréciés à leur juste valeur par les familles et par les responsables de Santé/Nutrition.

A volume égal, les bouillies concentrées liquéfiées sont plus coûteuses que les bouillies traditionnelles de céréales. Mais considérées sous l’angle de leur valeur nutritive et de leur bénéfice sur la santé, leur prix est justifié.

Le coût de revient des BCL préparées à domicile ou des farines composées produites de façon communautaire se limite pratiquement à l’achat des matières premières. Le coût de revient des farines composées produites dans des UPA prend, en plus, en compte le travail des préparatrices et des frais de fonctionnement de l’UPA.

Baisser le coût de l’alimentation spécifique du jeune enfant devrait favoriser son utilisation. L’éducation les familles pour qu’elles adoptent le meilleur rapport qualité/prix est un message important. Mais, face aux distributions gratuites, un produit local sera toujours considéré comme trop cher !

Les responsables des Agences en charge de la lutte contre la malnutrition ont aussi un rôle à jouer puisqu’ils savent que l’achat de farine composées locales et que la promotion des BCL est très économique en regard des achats de produits importés.

L    La Recette de BCL est facile à mémoriser

Pour que le concept de BCL puisse être vulgarisé, il est porté par deux nombres faciles à mémoriser : ‘’ 1+2+3 ‘’ et  ‘’ 621 ’’.
La recette de bouillie 1+2+3 indique que la bouillie est faite d’ 1 volume de farine, de 2 volumes d’eau et de 3 pincées de malt après cuisson.

La formule de composition 621 est celle des proportions des ingrédients : 6 volumes de céréale, 2 volumes de soja, 1 volume d’arachide. Un peu de sucre et de sel iodé complète cette formule.

Ces nombres sont faciles à mémoriser et à transmettre. Ils pourraient prendre place parmi les messages d’éducation nutritionnelle

M   Autonomie, transfert de compétences, responsabilisation

L’appropriation par les familles des BCL leur donne les moyens pratiques et accessibles de devenir autonome, d’être d’avantage acteur et responsables de la bonne santé de leur enfants, de transmettre leurs bonnes pratiques aux membres de leur communauté. Une large appropriation pourrait permettre une généralisation des BCL.

N   Education Nutritionnelle

Cette responsabilisation des familles est un des objectifs de l’Education Nutritionnelle. Il s’agit de rendre les mères compétentes pour qu’elles acquièrent de bonnes pratiques de l’allaitement maternel, de diversification de l’alimentation mais aussi qu’elles sachent comment donner à leurs enfants des bouillies liquéfiées de haute valeur protéino énergétique.

La qualité nutritionnelle de ces aliments et la simplicité de leur préparation justifient l’intégration des BCL dans les Programmes préventifs de lutte contre la malnutrition mais aussi pour la prise en charge les malnutritions modérées (MAM).

Il serait souhaitable que les BCL soient promus dans les manuels de nutrition pédiatrique. Cela ‘’autoriserait’’ l’enseignement de ce mode d’alimentation.

Politique d’alimentation durable

A l’heure où s’imposent la nécessité planétaire de privilégier la consommation locale, le développement de solutions innovantes et où des économies d’énergie, la simplicité de la mise en œuvre de ce concept permet de concevoir des Programmes d’alimentation durable.

La prévention et la prise en charge de la malnutrition avec des aliments locaux deviendra-telle la règle et le recours aux aliments importés (ATPE et autres), l’exception ?

Les références aux ‘’Documents’’ renvoient au site www.bamisagora.org

00
retour

télécharger ce document