LES BOUILLIES

Généralités

bamisa

05c

Version du 18 09 2019

Ce document s’intéresse :

  •  A la nature des bouilles et à leur relation avec la physiologie digestive du jeune enfant.
  •  Aux critères permettant de juger de la qualité d’une bouillie.
  •  Aux différents types de bouillies.
  •  Et compare les valeurs nutritionnelles de quelques bouillies et aliments donnés aux enfants.
  • L’annexe décrit un procédé qui permet d’estimer la valeur énergétique d’une bouillie, sans laboratoire.

Ce document est une tentative de clarifier le vocabulaire autour des ‘’bouillies’’, de caractériser les notions telles que ‘’enrichi, fortifié, composé, … et d’introduire un nouveau concept, celui de Bouillie Concentrée Liquéfiée (Cf. Document 05d).

Les bouillies peuvent être définies comme des aliments à base de farine de céréales dont la consistance, plus ou moins épaisse, convient aux jeunes enfants ainsi qu’aux personnes ayant des difficultés à manger des aliments solides.

Dans le contexte de ce document, les bouillies sont des aliments de complément à l’allaitement maternel. Elles sont données quand le lait maternel n’est plus quantitativement suffisant pour assurer les besoins alimentaires de l’enfant. Selon les recommandations de l’OMS, l’introduction des bouillies se fait à partir de l’âge de 6 mois environ. Leur introduction ne doit pas entraver l’allaitement et surtout ne doit pas provoquer le sevrage.

Le « Séminaire-Atelier sur les aliments de sevrage de Brazzaville », organisé par l’IRD en mai 1991, a insisté sur la nécessaire prise de conscience que l’amidon était un obstacle majeur et universel à la préparation de bouillies qui soient à la fois fluides et de haute densité énergétique. La prise en compte de cet obstacle est une étape décisive dans la compréhension des causes de malnutrition.

Les proportions farine/eau sont rarement mentionnées dans les recettes de bouillie. La raison de ce ‘’silence’’ tient probablement au fait que les moyens de maîtriser la consistance des bouillies sont mal connus. La consistance est alors laissée à l’appréciation de l’utilisateur(trice) qui ajoute de l’eau jusqu’à obtenir une bouillie à sa convenance. Mais la dilution n’est pas la bonne réponse au problème de l’épaississement des bouillies.

Les bouillies sont des aliments de transition. Elles continuent à être données jusqu’à ce que l’enfant puisse consommer en quantité suffisante la nourriture solide et diversifiée des adultes.
Les bouillies doivent, idéalement, apporter dans les bonnes proportions les nutriments de base nécessaires à l’enfant. Leur valeur protéino-énergétique doit être élevée et leur consistance adaptée. Elles doivent apporter des glucides, des protéines non déficitaires en lysine, des matières grasses, des micronutriments et peu de sucre ajouté. Pour les enfants ayant des troubles digestifs, elles doivent être pauvres en amidon et en fibres alimentaires.

Les bouillies sont souvent le premier aliment de la diversification alimentaire. Avec les bouillies, commence la période à risque de malnutrition. En effet, comme les premières bouillies sont le plus souvent ‘’légères’’, elles ne répondent pas aux besoins nutritionnels très importants du jeune enfant, tant du point de vue quantitatif que qualitatif. Leur introduction ne doit ni provoquer, ni faciliter le sevrage lorsque l’enfant est allaité.

NB. Les mots suivis d’un* sont définis et développés dans le document 01h Lexique.

1.  La Nature des bouilles et leur relation avec la physiologie digestive de l’enfant.

1.1 Nature des bouillies

La bouillie se prépare en mélangeant et en cuisant de la farine, l’ingrédient ‘’solide et relativement sec’’, dans de l’eau ou du lait, l’ingrédient liquide.
Par définition :

  • - La bouillie a une consistance qui lui permet d’être mangée même si les capacités de mastication sont limitées, si la salivation est insuffisante ou pauvre en amylase et si la déglutition est difficile.
  • - La bouillie bénéficie d’une ébullition de quelques minutes, ce qui en fait un aliment ‘’propre’’, même si la farine et l’eau qui sert à sa cuisson, sont de qualité bactériologique médiocre.

Ce qui nourrit dans une bouillie, c’est la matière sèche*. Si la bouillie est préparée avec du lait, les nutriments sont fournis par la matière sèche de la farine et par la matière sèche du lait (extrait sec). Une bouillie au lait est immédiatement de meilleure qualité nutritionnelle qu’une bouillie à l’eau.
Ce qui explique qu’une bouillie devienne épaisse en cuisant, c’est l’empesage puis la gélification de l’amidon (L’amidon ‘’gonfle’’ en cuisant). Très peu d’amidon suffit à donner à la bouillie sa consistance ‘‘un peu épaisse’’ caractéristique. Cet épaississement limite la quantité de farine qui peut être mise dans le liquide, ce qui limite la valeur nutritive de la bouillie.

1.2.  Physiologie digestive du jeune enfant

Les besoins nutritionnels du jeune l’enfant sont qualitativement et quantitativement très importants. Mais l’immaturité de sa physiologie digestive ne lui permet pas de manger de tout.

  • - Ses capacités de manducation* sont limitées et il ne peut pas manger d’aliments solides tant qu’il n’a pas une dentition efficace et la force suffisante pour mastiquer.
  • - Il ne peut commencer, dans sa bouche, la digestion des amidons car il n’a pas assez d’amylase* dans sa salive.
  • - Il ne peut pas manger de grands volumes de bouillie pour compenser leur faible valeur nutritionnelle. Le volume absorbé à chaque repas ne peut dépasser le volume de son estomac, soit environ 250 ml.

Pour répondre à ces contraintes, l’aliment doit

  • - Avoir une consistance adaptée, c’est-à-dire être fluide ou onctueux.
  • - Être concentré en énergie et concentré en protéines de bonne qualité. Cette concentration évite l’encombrement* alimentaire que provoquerait la consommation de grands volumes.
  • - Avoir été ‘’prédigéré’’, c’est-à-dire avoir bénéficié d’une dégradation de ses amidons par une source externe d’amylases.

Ce n’est qu’à deux ans que l’enfant acquière la pleine capacité de manger ‘’comme un adulte’’. Les capacités à s’alimenter ‘’normalement’ peuvent être retardées par un état de malnutrition.

2.  Les critères permettant de juger de la qualité d’une bouillie

Habituellement, la qualité d’une bouillie est appréciée selon des critères apparents et subjectifs : odeur, aspect, consistance et goût. Ces critères sont importants car il faut que l’enfant trouve du plaisir à manger.
D’un point de vue nutritionnel, la qualité d’une bouillie doit aussi être jugée selon des critères scientifiques et objectifs : Sa densité protéino-énergétique* et sa composition.

2.1.  Le critère Densité Protéino-Energétique est essentiel.

La densité protéino-énergétiqued’une bouillie est déterminée par la quantité d’éléments nutritifs, glucides - lipides – protides, qu’elle contient par unité de volume. Ces éléments nutritifs constituent l’essentiel en poids de la matière sèche d’une farine ou du lait. Plus il y a de matière sèche par unité de volume, plus la bouillie aura une densité protéino-énergétique élevée, quelle que soit sa consistance.
La qualité énergétique des bouillies devrait toujours être supérieure à celle du lait, soit au-dessus de 70 à 80 kcal/100ml. L’idéal est d’atteindre 100 à 120 kcal/100ml. Dans une bouillie, ces valeurs ne peuvent être atteintes que si les amidons sont dégradés.

La densité protéino-énergétique est un critère essentiel
pour juger de la valeur nutritionnelle d’une bouillie.

2.2.  Le critère ‘‘composition’’.

Ce critère prend en compte l’équilibre entre glucides, protides et lipides, 60% de l’énergie devant être apportée par les glucides, 25 à 30% de l’énergie devant être apportés par les lipides et 10 à 15% de l’énergie devant être apportés par les protides (proportions données à titre d’ordre de grandeur). L’enfant malnutri a besoin de beaucoup d’énergie et la proportion de lipides peut être augmentée.

Ce critère ‘‘composition’’ prend en compte également les apports en minéraux et vitamines.

2.3.  Le critère ‘‘consistance’’ peut être trompeur.

La consistance souhaitée pour une bouillie peut être qualifiée de ‘’fluide’’ ou d’’’onctueuse’’. Mesurée en vitesse d’écoulement (VE)*, cette consistance, se situe entre 180 et 60 mm/30 secondes.

Mais, la qualité nutritionnelle d’une bouillie ne peut pas être déduite de sa consistance. Une bouillie épaisse n’est pas forcément plus nourrissante qu’une bouillie liquide. Cela peut même être l’inverse. (Comme le lait maternel qui est très énergétique ou l’huile).

La pratique montre que ‘’Plus on met de farine, plus la consistance de la bouillie augmente’’ et donc plus elle est considérée comme ‘’nourrissante’’. Mais elle devient vite trop épaisse pour être consommable par un jeune enfant. L’usage est alors d’ajouter de l’eau, c’est-à-dire de la diluer. La dilution diminue la quantité de nutriment par unité de volume, ce qui provoque un ‘’appauvrissement’’ de la bouillie et va à l’encontre des bonnes pratiques d’alimentation de l’enfant. La pratique de la dilution ou l’utilisation de bouillies ‘’légères’’ expliquent probablement un grand nombre de malnutritions.

Pour diminuer la consistance d’une bouillie, il faut la liquéfier, sans ajouter d’eau, sans la diluer. La liquéfaction est obtenue grâce à des amylases* qui réduisent (cassent) les grandes chaines glucidiques d’amidon et les transforment en sucres solubles (maltoses, isomaltoses, dextrines). La liquéfaction diminue la consistance de la bouillie mais ne diminue pas la quantité de nutriments par unité de volume. La liquéfaction des bouillies épaisses par une amylase est un procédé extrêmement simple, applicable en toute circonstance et par tous. En effet, les amylases maternelles (lait maternel, salive maternelle) sont immédiatement disponibles et les amylases des céréales germées (le malt) sont faciles à produire. L’usage d’amylases permet donc de réduire la consistance d’une bouillie, de la liquéfier sans la diluer et ainsi de concilier consistance adaptée au jeune enfant et densité protéino-énergétique élevée.
De plus, la dégradation enzymatique de l’amidon facilite et accélère la digestion des bouillies.

La liquéfaction amylasique des bouillies permet d’éviter leur catastrophique dilution à l’eau

NB : Nous proposons l’échelle suivante pour qualifier la consistance des bouillies : Liquide, fluide, onctueuse, pâteuse, épaisse, très épaisse, compacte, très compacte. Le Document03f donne la correspondance de ces consistances avec la VE.

3.  Les différentes catégories de bouillies

Différentes catégories de bouillies peuvent alors être décrites en fonction de deux facteurs essentiels : consistance et densité protéino-énergétique. Ces catégories ne sont pas cloisonnées. Elles créent de nombreuses formes

3.1.  Les bouillies ordinaires

  Ce sont les bouillies dites ‘‘traditionnelles’’, ‘‘simples’’, ‘‘du marché’’.
La préparation de ces bouillies se résume à la cuisson d’une farine de céréales (mil, sorgho, maïs, riz) ou de manioc dans de l’eau, en ‘’économisant’’ la farine.

Les proportions habituelles sont d’1 volume de farine pour 5 à 6 volumes d’eau. En réalité les proportions sont déterminées ‘’au bon vouloir de la personne qui prépare’’ et sont adaptées à la consistance acceptée par l’enfant.

Un peu de sucre est souvent ajouté à ces bouillies pour les rendre plus attractives.

La quantité de matière sèche par 100ml de bouillie est très faible, de l’ordre de 8 g / 100 ml. Cette matière sèche est essentiellement de l’amidon. Malgré le peu de matières sèches qu’elles contiennent, ces bouillies peuvent déjà être épaisses. En refroidissant, la gélification en augmente encore la consistance. De l’eau risque d’être ajoutée, diluant encore le peu de matière nutritive qu’elles contiennent.

La valeur énergétique de ces bouillies ordinaires est donc très faible, de l’ordre de 30 kcal / 100 ml, égale ou inférieure à celle des sodas et des jus de fruits.

Leur valeur protéique est également très faible et très déficitaire en lysine.

      Les bouillies dites ‘’légères’’ sont des bouillies ordinaires qui contiennent environ 5 g de matière sèche / 100ml. Elles doivent être proscrites quel que soit l’âge et l’état de l’enfant. (Ces bouillies légères s’apparentent à de ‘’l’eau gélifiée’’, utilisée pour donner à boire aux malades qui souffrent de reflux gastrique).

La malnutrition du jeune enfant peut avoir pour origine l’utilisation de bouillies ordinaires. En effet, si ces bouillies peuvent ‘’calmer’’ la sensation de faim, elles ne peuvent pas ‘’nourrir’’ convenablement un enfant. Calmé, l’enfant va moins réclamer le sein, moins stimuler la lactation, avec pour conséquence une baisse de lait maternel. Progressivement ce manque de lait maternel va être remplacé par des bouillies ordinaires. Le cercle vicieux se renforce menant à un sevrage précoce.

L’usage de bouillies ordinaires devrait être abandonné.

3.2.  Les bouillies améliorées, composées, enrichies, fortifiées

  Les programmes d'éducation nutritionnelle proposent de nombreuses recettes pour améliorer, de différentes façons, la composition des bouillies, notamment par l’ajout d’aliments riches en protéines, en matières grasses, en micro nutriments. Ces ingrédients sont choisis en fonction des habitudes alimentaires et de leur disponibilité locale et immédiate.

Lorsque l’amélioration se fait grâce à l’association de céréales et de légumineuses, le terme de bouillies ‘’composées’’ semble justifié.
Lorsque l’amélioration se fait grâce à l’addition d’ingrédients qui apportent des protéines et/ou des matières grasses. (lait en poudre, huile, pâte d’arachide, farine de soja grillé, œuf frais, poissons, …), le terme de bouillies ‘’enrichies’’ semble justifié.

L’amélioration peut aussi être le fait de l’ajout à la bouillie, d’un jus de fruits frais, de farine de baobab, de tomate, de feuilles de moringa, de spiruline ou d’autres sources de vitamines, ou de CMV*, après ou avant cuisson. Cette amélioration permet de qualifier les bouillies de ‘’fortifiées’’. L’ajout de jus de fruits, de tomate ou de poudre du fruit de baobab constitue une fortification essentiellement en Vi.aminet C. L’ajout d’huile de palme rouge apporte une fortification en vitamine A. L’utilisation de sel iodé permet la fortification en iode.

Les bouillies préparées avec des ‘’farines fortifiées’’, ce qu’indique un ‘’+’’ ou ‘’plus’’, peuvent également entrer dans la catégorie des bouillies améliorées.
Différentes combinaisons entre ces moyens d’amélioration sont bien sûr utilisées, et il est bien difficile de qualifier précisément le type de bouillie améliorée.

  Le problème, c’est que, généralement, la quantité d’eau nécessaire à la préparation des ‘’bouillies améliorées’’ n’est pas indiquée par les manuels ou fiches qui en donnent les ‘’recettes’’. La quantité d’eau est donc laissée à l’appréciation de la personne qui la prépare. Si bien que de l’eau risque d’être ajoutée en cours ou après cuisson jusqu’à ce que la consistance soit adaptée à l’enfant. Telles que consommées, les proportions ‘’matière sèche / eau’’ de ces bouillies sont trop faibles, de l’ordre de 1 volume de farine pour 5 à 6 volumes d’eau et leur densité énergétique ne dépasse pas 60 kcal/100ml,

  Dans cette catégorie peuvent être classés les mélanges thérapeutiques ‘’Lait-Huile-Céréale* ’’ utilisés dans les Centres de Récupération et d’Education Nutritionnelle (CREN). L’ajout de lait en poudre (protéines) et d’huile (énergie) améliore beaucoup la qualité nutritionnelle de ce type de bouillie. Cela revient à préparer une bouillie avec du lait frais entier. Mais, ces mélanges préparés avec des céréales devraient bénéficier d’une liquéfaction pour éviter leur éventuelle dilution à l’eau au moment de leur consommation et améliorer leur digestibilité.

3.3  Les bouillies de farines maltées

  Ces bouillies sont préparées avec un mélange de farine de céréales germées (maltées) et de farine ordinaire. L’amylase produite par les céréales germées empêche que la bouillie n’épaississe. Plus il y a de farine de céréales germées dans le mélange, plus la bouillie sera liquide. Les proportions du mélange farine de céréales germées / farine ordinaire peuvent aller de 10% à 15%, voire plus, selon la qualité amylasique des céréales germées. Il est possible de préparer artisanalement ou à domicile des farines maltées et de faire les mélanges.
Du fait qu’elles n’épaississent pas en cuisant, ces bouillies peuvent être préparées en mettant beaucoup de farine (1 volume) et pas beaucoup d’eau (2 volumes)  et ainsi atteindre facilement une haute valeur énergétique.

3.4  Les bouillies préparées avec des farines additionnées d’amylases.

Ces bouillies sont préparées avec des farines dans lesquelles ont été incorporées des amylases industrielles qui résistent à l’ébullition. La dégradation de l’amidon se fait au cours de la cuisson de la bouillie. La valeur énergétique de ces bouillies peut être élevée, supérieure à 100 kcal / 100 ml. Leur valeur protéique et lipidique reste insuffisante si les farines ne sont pas composées.

L Ces amylases sont très puissantes. Leur mélange à la farine doit être extrêmement précis et homogène. Le moindre surdosage donne des bouillies complètement liquides qui, de ce fait, peuvent être peu appétissantes.

NB. Certaines farines infantiles locales comme la farine Misola® sont additionnées d’amylases industrielles.

3.5.  Les bouillies préparées avec des farines industrielles précuites.

  L’industrie agroalimentaire traite certaines farines de façon à ce qu’elles puissent être préparées sans avoir besoin d’être cuites. Elles sont ‘’précuites’’ par des procédés de grillage, de biscuitage ou d’extrusion. Ces farines sont dites ‘’instantanées’’ et elles n’épaississent pas ou peu au moment de leur préparation. Certaines de ces farines sont, de plus, additionnées de lait en poudre.

La valeur protéino-énergétique des bouillies préparées avec ces farines peut être élevée si les proportions farine/eau ou farine/lait mentionnées sur l’emballage sont respectées.

  Cependant, elles sont généralement d’un coût élevé, avec le risque, par économie, de ne pas mettre assez de farine lors de la préparation de la bouillie. Le rapport qualité nutritionnelle/prix devrait être comparé à ce qui est disponible localement. Leur usage introduit des saveurs et des textures non traditionnelles qui peuvent conditionner l’enfant et le rendre dépendant d’une alimentation industrielle et commerciale coûteuse.
Comme elles ne nécessitent pas de cuisson, l’eau utilisée pour leur préparation doit être de très bonne qualité.

3.6.  Les bouillies liquéfiées (additionnées d’amylases après cuisson)

  Lorsque de l’amylase est ajoutée à la bouillie après sa cuisson (dans la bouillie encore chaude), la dégradation de l’amidon se fait rapidement. La liquéfaction est souvent moins complète qu’avec les amylases industrielles. Elle est variable selon la nature des amidons qui sont plus ou moins facilement dégradables selon les variétés de céréale. Les amylases locales (Cf. document 04c – Les sources d’amylases) conviennent parfaitement à ce mode de liquéfaction. La consistance des bouillies est maitrisable par l’utilisateur puisqu’il peut adapter la quantité d’amylase locale ajoutée à la bouillie en fonction de ses souhaits.

L’utilisation de malt est facile. 0,5 g de malt de bonne activité amylasique suffit à liquéfier une bouillie de 200 ml préparée avec 60 g de farine. Ainsi, bien que préparées avec de l’eau, la valeur énergétique de ces bouillies peut être élevée de l’ordre de 100 kcal / 100 ml. Leur valeur protéique reste insuffisante si les farines ne sont pas ‘’composées’’.

NB. La plupart des mamans ont observé le phénomène de la bouillie épaisse qui devient liquide au contact de la cuillère avec laquelle elle donne la bouillie. Ces bouillies sont, dans certaines langues, considérées comme ‘’cassées’’ et ne sont pas données à l’enfant. Les mamans ne savent pas que le peu de leur salive déposée sur la cuillère avec laquelle elle a goûté la bouillie avant de la donner à leur enfant, apporte suffisamment d’amylase pour liquéfier la bouillie. Il faudrait valoriser ce phénomène lorsqu’il est obtenu volontairement. Mais attention ! La bouillie peut aussi avoir être ‘’cassée’’ par l'amylase de mouches venues s’y poser pour en manger! La bouillie est alors contaminée par les germes apportés par les pattes de mouche. La bouillie n’est plus consommable.

3.7  Les Bouillies Concentrées Liquéfiées (BCL)

    Les Bouillies Concentrées Liquéfiées sont des bouillies qui associent les avantages des bouillies composées et des bouillies liquéfiées. Elles se préparent avec des ingrédients grillés et donc précuits, selon la Recette ‘’1 + 2 +3’’. (1 volume de farine composée + 2 volumes d'eau + 3 pincées de malt).

Leur valeur en matières sèches est élevée (30%) et leur densité protéino-énergétique est trois à quatre fois plus élevée que dans les bouillies ordinaires, de l’ordre de 120 kcal/100ml.

Leur liquéfaction par une amylase permet d’obtenir la consistance convenant aux jeunes enfants.

Tout ce qui est nécessaire à la préparation d’une BCL peut être obtenu localement, y compris le malt. Les BCL peuvent être préparées à domicile, ce qui les rend facilement disponibles.

Du fait de la ‘’concentration’’, la quantité de micro-nutriments apportée ‘’naturellement’’ par les ingrédients de la BCL est notablement augmentée. Cependant, leur ‘’fortification’’ est conseillée.

Les Bouillies BAMiSA font partie de la catégorie des BCL. Voir le Document 05e

3.8  Les Bouillies fermentées, les purées

  L La fermentation des bouillies d’amidon permet d’obtenir des bouillies qui se conservent mieux. La fermentation pourrait améliorer leur digestibilité.
Leur densité énergétique doit être évaluée. Si la densité énergétique de ces bouillies ‘’telles que consommées’’ est supérieur à 80 kcal/100ml, elles peuvent être de qualité nutritionnelle suffisante.
Les purées de tubercules (Patates douces, ignames, manioc, … ) peuvent aussi être un aliment de transition en zone humide. Les purées sont très riches en amidons, ce qui limite leur utilisation chez les jeunes enfants.

4) - Qualités nutritionnelles comparées de différents types de bouillies données aux enfants

Pour situer la valeur nutritionnelle des bouillies, il est intéressant de les comparer aux sodas, au lait maternel, aux bouillies du PAM et à certains aliments thérapeutiques :

  La composition des sodas (eau, sucres, arômes, colorant) ne permet pas de les considérer comme des aliments. Les sodas peuvent être utilisés pour la réhydratation.

  Le lait maternel, bien que liquide, est toujours qualitativement le meilleur aliment pour le jeune enfant. Sa densité énergétique est de 70 à 72 kcal/100ml. Tout doit être fait pour que l’allaitement soit ‘’poursuivi jusqu’à 2 ans et même au-delà’’.

  L Les bouillies préparées avec des farines type SUPERCEREAL, anciennement farines CSB, ne dépassant pas 80 kcal/100 ml. Selon la recette de reconstitution proposée, la bouillie est préparée avec 40 à 50 g de farine pour 250g d’eau. La bouillie ainsi préparée est à 17% de MS et sa Vitesse d’écoulement est de 100 mm / 30 sec(1).
La farine ‘’SUPER CEREAL plus’’ du PAM est composée de maïs, de soja, de sucre, de lait en poudre écrémé, d’huile de soja raffinée, de vitamine et de minéraux. Cette farine n’est pas additionnée d’amylase ou de malt. La recette ne semble pas mentionner qu’il ne faut pas ajouter d’eau (après cuisson), même si la consistance de la bouillie est trop épaisse.

(1) Sources : PAM, Technical Specifications for the manufacture of SUPER CEREAL plus, version14.0. et Superceral products, technical Bulletin UNICEF No.16

  Les Laits Thérapeutiques* F75 et F100, (F pour Formula, lait infantile en anglais) sont de très bonne qualité nutritionnelle. Leur densité énergétique est respectivement de 75 et 100 kcal/100 ml. Ils sont très efficaces pour débuter la prise en charge des malnutritions aigües sévères.

  Les Aliments Thérapeutiques Prêts à l’Emploi (ATPE /RUSF)* et les Aliments de Supplémentation Prêts à l’Emploi (ASPE / RUSF) sont des aliments qui atteignent des densités énergétiques très élevées (543 kcal /100 g sous forme pâteuse pour le Plumpynut®, et 500 kcal/100g sous forme biscuit pour BP100®. Ces produits industriels sont de très bonne qualité nutritionnelle et sont réservés, en principe, aux situations d’urgence.
L Ces ATPE étant complètement secs, leur distribution nécessite de disposer d’eau de boisson de bonne qualité pour que l’enfant puisse s’hydrater. Leur qualité gustative peut détourner de l’alimentation locale.

 

Energie
Pour 100g

Protéines
Pour 100g

Lipides
Pour 100g

 Glucides
Pour 100g

Eau
Pour 100g

 Consistance

Bouillies légères
≤ 8% de MS

≤ 30 kcal

1 g

0,2 g

6 g

≥ 90 g

Liquide ou fluide

Soda, Jus de fruits
à10 % de MS

≥ 40 kcal

0  g

0 g

≥ 10 g

90 g

Liquide

Bouillie céréale ordinaire à 10% de MS

± 40 kcal

1,2 g

0,3 g

8 g

90 g

Onctueux

Bouillie céréale épaisse à15% de MS

± 60 kcal

1,8 g

0,6 g

12 g

85 g

Pâteux ou épais

Bouillie améliorée
Céréale +
légumineuses grasses
à 15% de MS

± 60 kcal

2 g

1,5 g

10 g

85 g

Pâteux ou épais

Lait vache entier
(13 g d’extrait sec)

62 kcal

3,2 g

3,5 g

4,6 g

87 g

Liquide

Lait maternel
(12 g d’extrait sec)

70 kcal

1,1 g

3,8 g

7,5 g

88 g

Liquide

Lait Thérapeutique
F 75

 75 kcal

 0,9 g

 2,7 g

 11,5 g

 85 g

 Liquide

Bouillie de farine
SUPERCEREAL plus
à 17% de MS

70 à 80 kcal

 2,72

 1,53

 

 83 g

 Onctueux

Lait Thérapeutique
F 100

100 kcal

3 g

3,6 à 6 g

9 à 14 g

80 g

Liquide

Bouillie concentrée liquéfiée 30% MS
type BAMiSA

125 kcal

≥ 4,5 g

≥ 3,3 g

19 g

70 g

Fluide ou onctueux

ATPE
Type Plumpynut®

543 kcal

13,6 g

36,7 g

45 g

2,5 g

Compacte

Caractéristiques de quelques aliments donnés aux enfants, classés par ordre croissant de densité énergétique.

Dans le contexte africain, les bouillies sont préparées avec de l’eau et des farines ordinaires. L’insuffisance de lait maternel, le sevrage précoce, la rareté du lait ou du lait en poudre expliquent en grande partie les carences alimentaires du jeune enfant alimenté avec des bouillies. La grande disponibilité des diverses amylases locales constitue pourtant une solution pour que l’enfant puisse bénéficier de façon continue, même dans les familles modestes, de Bouillies Concentrées Liquéfiées de haute valeur protéino-énergétique.

A l’inverse, dans le contexte occidental, les bouillies sont préparées avec du lait et des farines dans lesquelles l’amidon a été hydrolysé. Ces bouillies ‘’de haute densité protéino-énergétique’’ ont été accusées de rendre les enfants obèses.

Derrière le mot ‘’bouillie’’ se cache donc une grande variété d’aliments, certains pouvant jouer un rôle très positif pour la croissance de l’enfant, d’autres pouvant, au contraire, participer à la malnutrition lorsqu’ils sont de faible densité protéino-énergétique.

La prise en considération de la densité protéino-énergétique et de la consistance des bouillies ‘’telles que consommées par l’enfant’’, est donc indispensable pour que les actions de Santé Publique et d’Education Nutritionnelle puissent avoir une réelle efficacité.

Les « bonnes bouillies » concentrées puis liquéfiées
donnent aux parents les moyens d’exercer
leur droit à nourrir eux-mêmes leurs enfants

Annexe

Il n’est pas nécessaire d’avoir un laboratoire pour évaluer la valeur énergétique de 100 ml ou de 100 g d’une bouillie ou d’un aliment ‘’tel que consommé’’. La méthode donnée dans l’encadré ci-dessous, permet d’évaluer cette valeur énergétique et de classer les bouillies dans l’une des catégories énergétiques décrites précédemment.

Comment estimer la valeur énergétique d’une bouillie 
sans laboratoire?

Se munir d’une balance capable de peser 100 g avec un peu de précision (pèse-lettre) ou d’un récipient gradué indiquant 100 ml. Se munir également d’une assiette, si possible métallique, et de cuillères. 

Peser 100g ou mesurer 100 ml de bouillie et l’étaler en couche mince dans l’assiette. Exposer en plein soleil quelques heures, fragmenter plusieurs fois en cours de séchage. On obtient des paillettes de matière sèche dont le poids rend compte de la quantité de farine entrée dans la composition de la bouillie.

La valeur énergétique de ces paillettes est proche de 4 kcal par gramme, qu’il s’agisse de bouillie de céréale simple ou de bouillie enrichie. Peser ces paillettes ou à défaut estimer leur poids sachant qu’une cuillère à café rase contient environ 2 g et une cuillère à soupe rase 6 g.
Pour le soda la dessiccation au soleil permet d’obtenir un sirop qu’il faut finir de déshydrater sur le gaz, très doucement de façon à ne pas obtenir du caramel.

Cette expérience très simple à réaliser donne un ordre de grandeur de la valeur énergétique d’un aliment.

La valeur énergétique d’une bouillie en Kcal  est égale au  poids de matière sèche en g X 4. (ou un peu plus si une matière grasse a été ajoutée à la bouillie).

In « L'art et la manière de préparer une bouillie ou "comment ne pas tromper la faim de l'enfant », Revue Développement et Santé, n° 160 août 2002 (doc-10772), Dr François LAURENT°, Dr Jean-Marie SAWADOGO° †°

 

 

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