Contribution du Projet BAMiSA au traitement des Malnutritions Aiguës Sévères |
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version 03-12-2021 | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
La prise en charge des enfants sévèrement malnutris (MAS) est encadrée par les protocoles de l’OMS. Ces protocoles sont généralement repris et adaptés par le Ministère de la Santé des pays concernés. Ces protocoles font appel à des Aliments Thérapeutiques fournis par l’industrie agro-alimentaire (Laits Thérapeutiques F75 et F100, Aliments Thérapeutiques Prêts à l’Emploi (ATPE), biscuits protéinés. Des publications font état de modes alternatifs de prise en charge et les comparent avec l’utilisation des ATPE (1). La possibilité de diminuer la quantité de produits laitiers dans les ATPE est aussi un sujet de recherches (2). Bien que la prise en charge des MAS ne soit pas inscrite dans les objectifs de l’Association de Promotion du Projet BAMiSA (APPB), nous avons été amenés à nous y intéresser à la demande d’une association de solidarité internationale (3). Cette association prend en charge depuis 2015, des enfants modérément malnutris (MAM) d’un quartier de Ouagadougou en utilisant les Bouillies Concentrées Liquéfiées (BCL) BAMiSA. Cette association n’avait pas de solution à proposer aux enfants sévèrement malnutris (MAS) qui se présentaient et qui n’avaient pas la possibilité d’être pris en charge par un Centre Nutritionnel Thérapeutique. Sans ignorer les protocoles de prise en charge des enfants MAS et en accord avec l’équipe médicale du CSPS hébergeant ses activités, cette association a sollicité l’APPB dans l’espoir de pouvoir proposer un mode de prise en charge adapté à ces enfants. L’APPB a ainsi proposé un protocole basé sur l’utilisation des ressources alimentaires locales et sur l’allaitement maternel, sans apport de produits laitiers. Ainsi, un « Programme Urgence Malnutrition » (PUM) a pu être mis en place à partir de juillet 2018. C’est le sixième cycle de ce PUM qui est décrit ici. Il a permis une bonne récupération pondérale. Les résultats (4) ne présentent pas une forme académique. Ils ont valeur de témoignage de ce que peuvent réaliser de petites structures. Les résultats obtenus méritent, nous semble-t-il, d’être mis à la connaissance d’autres acteurs associatifs et de structures de santé en charge d’enfant MAS. Ce mode de prise en charge alternatif, dans l’esprit des publications sus mentionnées (1) et (2), pourrait-il aussi intéresser des ONG et des Organismes en charge des politiques de lutte contre la malnutrition ? Ce document a pour objectif de détailler le Protocole du Programme Urgence Malnutrition et les conditions de sa mise en œuvre. Il exprime également quelques interrogations sur la place des alternatives aux Aliments Thérapeutiques Prêt à l’Emploi. 1. Le protocole du Programme Urgence Malnutrition1.1. Ce protocole est conçu pour réhabiliter les enfants à leur domicile Il s’applique à des enfants sévèrement malnutris et même pour certains, très sévèrement malnutris mais qui ne présentent pas de complication. Après avoir été dépistés, les enfants de moins de 5 ans et leurs familles sont suivis tous les 15 jours pendant 6 mois. La farine et l’huile leur sont alors remises pour les 15 jours suivants. 1.2. Ce protocole associe de la Bouillie Concentrée Liquéfiée (BCL) BAMiSA et de l’Huile de Palme Rouge (HPR) Une BCL BAMiSA se prépare avec 60 g de farine et 200 ml d’eau. Chaque BCL apporte 250 Kcal (dont 65 Kcal proviennent des matières grasses) et 9 g de Protéines. Chaque ration « 200 ml de BCL + 10 ml d’HPR » a une valeur énergétique de 330 Kcal (dont 145 Kcal proviennent des matières grasses), apporte 9 g de protéines et couvre les besoins journaliers en vitamines A et E. « Il suffit de 5 à 10 ml/j d’HPR pour couvrir les besoins du jeune enfant [en rétinol] (6)». Les protéines apportent 10,9 % de l’énergie et les matières grasses 44%, valeurs proches des recommandations OMS pour les ATPE (5).
Tableau 1 - Composition attendue de 200 ml de BCL avant ajout d’HPR Trois BCL BAMiSA par jour apportent plus de 27 g de protéines (dont 0,15 g de lysine) ce qui permet de couvrir les besoins journaliers de l’enfant malnutri jusqu’à ce qu’il atteigne 10 kg (besoins de l’ordre de 2 g/kg/jour). La liquéfaction des bouillies épaisses permet que celles-ci soient rapidement et entièrement consommées, même si l’enfant a du mal à manger. Du fait de la dégradation amylasique des amidons, la digestion de la bouillie est facilitée et la demande de l’enfant pour reprendre le sein est rapide. NB. L’huile de palme rouge (HPR) a le triple avantage d’apporter une grande quantité d’énergie sous un faible volume (9 Kcal/ml), d’avoir une concentration élevée en caroténoïdes naturels (500 à 700 ppm) (6) qui seront convertis en rétinol (Vitamine A) et d’avoir une concentration élevée en tocophérol (vitamine E). Pour ces trois raisons, de l’HPR a été ajouté aux BCL. Il a été demandé que des distributions d’ATPE (Plumpynut®) ne soient pas effectuées pendant ce cycle 6. Des distributions aléatoires et imprévues avaient en effet été faites lors de certains cycles précédents, selon les arrivages d’ATPE au CSPS. 1.3. Le protocole se déroule en trois phases :
Chaque sachet de farine permet de préparer 8 bouillies (8 x 60 g). La farine est donnée sous forme de sachets de 500g et d’un petit sachet de malt. Chaque enfant consomme ainsi 28 Kg de farine (56 sachets)
Pour pouvoir ajouter une cuillère à soupe d’huile par bouillie, il faut donner 80 ml d’HPR avec chaque sachet de farine de 500g. L’HPR est ainsi donnée en fonction du nombre de sachets.
Chaque enfant consomme ainsi 4,48 litres d’HPR au cours des 6 mois. A chaque visite de suivi, la famille reçoit le nombre de sachets de farine et d’HPR nécessaires à l’enfant jusqu’à la visite suivante.
Tableau 2 - Quantités de farine et d’huile nécessaires à chaque enfant. NB. Par comparaison, un total d’environ 10 à 15 kg de RUTF sur une période de six à huit semaines est jugé nécessaire pour le récupération d’un enfant sévèrement malnutri(1). 1.4. Ce protocole encourage et favorise l’allaitement maternel Les animatrices du PUM rappellent aux familles que la consommation de bouillies ne doit absolument pas remplacer l’allaitement maternel, mais le compléter. L’allaitement maternel est vivement encouragé quel que soit l’âge de l’enfant. NB. Lorsque l’enfant sévèrement malnutri a moins de 6 mois et que sa mère est elle-même très dénutrie et a une lactation insuffisante, plutôt que de donner la BCL et l’huile à l’enfant, c’est la mère qui en bénéficie jusqu’aux six mois de l’enfant. A l’âge de six mois, c’est l’enfant qui entre dans le protocole. 1.5. Ce protocole encourage la diversification alimentaire et la consommation du plat familial La consommation de bouillies est une façon de commencer la diversification alimentaire. Dès que l’enfant a retrouvé suffisamment de forces, il est demandé à la famille de prendre du temps pour l’encourager et l’accompagner à consommer le repas familial. Ainsi la dégressivité du nombre de bouillies sera remplacée par l’augmentation des rations alimentaires préparées à la maison. 1.6. Ce protocole contribue à l’apport d’iode, de vitamines A et E La farine BAMiSA n’est pas une farine fortifiée. Du fait de sa concentration, la BCL apporte les micronutriments du Mil (ou du Maïs), du Soja, de l’Arachide en quantités non négligeables. Le sel iodé apporte de l’iode, l’huile de palme rouge apporte de la vitamine A et de la vitamine E. La consommation de fruits et de légumes verts et la diversification alimentaire est encouragée dès que l’enfant est capable de manger. NB. Un apport complémentaire de minéraux et de vitamines pourrait être programmé sous forme d’un sachet unitaire (Micronutrient Powders MNP)mélangé à l’une des BCL de la journée. Ce schéma pourrait être généralisé avec l’appui des Organismes ou ONG qui promeuvent ce type d’administration de compléments minéralo-vitaminiques. 1.7. Ce protocole se fait en collaboration avec le service de santé le plus proche Le CSPS du quartier collabore au PUM, en particulier aux mesures anthropométriques. Au même titre que pour les enfants qui fréquentent ce CSPS, il assure le dépistage des pathologies, la prescription des traitements médicaux nécessaires, le déparasitage et les vaccinations. Le PUM ne prend pas en charge les frais médicaux. 2. EncadrementLes enfants sont sélectionnés par la mesure du Périmètre Brachial (PB) par l’équipe qui encadre le PUM. Ceux qui sont dans la zone rouge (MAS) sont retenus pour faire partie du cycle suivant. Les enfants MAS avec complications ne sont pas inclus. La sélection des enfants se fait dans les jours ou semaines qui précèdent le début d’un cycle. La date de naissance et le poids de naissance sont enregistrés sur une fiche individuelle, (selon le modèle de fiche de suivi ci-dessous). Sur cette fiche sont inscrits le PB, le poids et la taille au jour de l’entrée dans le cycle. Tous les 15 jours, le PB, le poids et la taille sont relevés avec l’aide du personnel du CSPS La distribution de farine et d’huile à lieux tous les huit jours pour les enfants MAS et, pour les enfants MAM, tous les 15 jours, en même temps que les relevés anthropométriques
Tableau 3 - Fiche de suivi individuel utilisée pour le cycle 6 du PUM A la colonne ‘’Remarques’’, sont notés:
A la fin du cycle PUM de 6 mois, les enfants continuent à être suivis dans le cadre du CSPS. Les familles sont invitées à continuer les BCL en achetant de la farine BAMiSA. Pour les enfants qui n’ont pas suffisamment récupéré, la farine est vendue à prix subventionnée (à 450 F). 3. A propos de la farine et de l’huileLa farine BAMiSA est une farine composée. La préparation de la BCL nécessite une cuisson brève et une liquéfaction avant consommation. Il ne s’agit donc pas d’un aliment qui, comme les ATPE, nécessite l’apport d’eau supplémentaire. Cette farine est produite sur place par la structure qui organise le PUM. Elle est mise à disposition du PUM à prix coûtant, soit 650 F le sachet de 500 grammes. Le malt pour liquéfier la bouillie est également produit sur place.
4. Engagement des parentsUne relation de confiance est nécessaire pour que la farine et l’huile destinées à l’enfant soient consommées exclusivement par lui. Il est demandé à la personne qui s’occupe de l’enfant, parent ou responsable légal, de s’engager par sa signature, à respecter les règles du « Contrat d’engagement » en annexe. Cet engagement responsabilise les parents. Ils bénéficient de ce fait d’une éducation nutritionnelle et deviennent acteurs de la prise en charge de leur enfant.
5. Suivi de la récupération, Validation du protocole ‘’Programme Urgence Malnutrition’’.Le suivi de la récupération des enfants peut-être fait selon les critères habituellement utilisés par la structure qui prend en charge les enfants. L’analyse des résultats du cycle 6(4) a été réalisée à partir des courbes OMS, ‘’Z-Score pour le PB, le poids, la taille’’ et à partir du critère ‘’prise de poids par jour, rapportée au poids de l’enfant en début de cycle. Ces relevés, aussi précis que possible, permettent ensuite, une analyse de la récupération. Comme le montrent l’analyse, par l’APPB, des résultats du cycle 6(4), le protocole proposé ci-dessus semble pouvoir être légitimé, (même s’il n’a pas pu être exactement suivi lors de ce cycle 6). Chaque fois que le recours aux ATPE n’est pas possible ou n’est pas souhaité, ce protocole est utilisable, à condition que la structure qui le met en œuvre soit en capacité de produire ou de s’approvisionner en farine composée BAMiSA et en huile de palme rouge. 6. Coût, financementLa mise en œuvre d’un PUM est simple et relativement peu coûteuse. Elle est à la portée de petites structures, sous réserve de trouver le financement de la farine et de l’huile. Le coût d’un cycle est calculé ici sur la base des coûts de la farine et de l’huile du cycle 6, soit 650 F le sachet de 500g de farine et 1 250 F le litre d’HPR. Comme l’indique le tableau 3, il faut 56 sachets et 4,5 litres d’HPR par enfant pour le cycle. Pour 45 enfants, il faut donc :
La prise en charge nutritionnelle pendant 6 mois d’un enfant sévèrement malnutri s’élève à 42 000 F (64 €) dans les conditions du PUM de l’association Laabo Biiga.
Tableau 4 : Mode de calcul du coût de la prise en charge d’un enfant 7. DiscussionIl est difficile d’établir des comparaisons entre différents programmes de prise en charge d’enfants malnutris. Cependant, bien que chaque programme ait ses particularités, il est utile de donner quelques repères. Selon les données de l’UNICEF, « Traiter un enfant sévèrement malnutri coûte, en moyenne, 100 USD. Ce coût comprend : les ATPE, 42 USD; la logistique et les frais de douane, 8 USD; les coûts de fonctionnement du programme, 50 USD. Le coût des ATPE combine le coût des ingrédients et de la production. Les ingrédients représentent de 60 à 72 % des coûts totaux des ATPE, tandis que la production représente de 17 à 33 % de leur coût total ». (Source : document (2)) Selon un document d’ACF, « Huit semaines de traitement coûtent 30 € ». « Pendant ces huit semaines, l'enfant est réhydraté, alimenté et soigné. Il reçoit des vitamines ainsi que huit repas chaque jour par petites doses fractionnées et des médicaments. A l'issue de cette période critique de soins d'urgence, l'enfant est presque sauvé : il reprend du poids, retrouve I’appétit... et même le sourire. » Traiter, sauver, guérir, éviter les rechutes sont des mots qui peuvent recouvrir des réalités différentes et des résultats différents dans le temps. Que fait-on vraiment avec 50 USD, 30 €, 64 € ? Au-delà du coût d’un traitement, le contexte économique des programmes de lutte contre la malnutrition doit être évoqué. En effet, les PUM bénéficient directement à l’économie agricole locale et aux ateliers de transformation. Il n’en est pas de même des ATPE qui bénéficient à l’économie agro-industrielle, en particulier à celle du Nord, même si certains pays du Sud fabriquent des ATPE. Ce fonctionnement interroge les politiques de développement, interroge l’aide internationale, interroge les organismes et ONG dans leur engagement à soutenir ou non l’autonomie et le développement des populations. Au-delà de l’efficacité d’un traitement, est-il plus réaliste de prévenir et de traiter la malnutrition avec des ASPE et des ATPE que de les traiter selon des protocoles utilisant des produits locaux Le mode de traitement d’un enfant malnutri est ainsi révélateur du choix du mode de solidarité, choix qu’il est utile de faire connaitre aux donateurs.
Pour conclure, nous citons Ted Greiner (9) :
Le site www.bamisagora.org décrit les mots clefs propres au Projet BAMiSA : La Farine Composée BAMiSA (Document 03b), le concept de Bouillie Concentré Liquéfiée (05d), La bouillie BAMiSA (05b). Le malt pour la bouillie (04b). La farine BAMiSA, Fabrication (03c). Bibliographie
ANNEXE
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